Quand Pearl joue à la barbie {Pepper}

Cette nuit-là il lui était impossible de trouver le sommeil et cette foutue insomnie aboutie à une énième ronde. Il en découvrait toujours plus sur les recoins de l’hôtel, se demandant bien pourquoi un hôtel et pas autre chose, si la mort était faite de plusieurs mondes ou s’il n’y avait que celui-là, pour l’éternité. Tant de réponses sans questions qui l’emmerdait si profondément. Il souffla, massant négligemment sa nuque en ébouriffant l’arrière de sa tête, puis hésita. Devant le seuil de sa porte, il opta pour scruter intensément celles de ses voisins. Ice devait dormir ou lire, il l’attendait surement au tournant, puisque le blond ne l’avait pas enquiquiné depuis un certain temps. Et Pepper, il n’avait pas été d’humeur jusqu’à présent… une idée se profila si bien qu’il se mit à sourire et alla chercher de quoi accomplir son méfait. Ce n’est que quelques minutes plus tard qu’il crocheta la serrure de sa voisine de chambre pour entrer dans la pièce et s’appliquer. Il était discret comme un chat, ou alors elle dormait comme une masse, au choix, dans tous les cas ça l’arrangeait assez pour qu’il daigne essayer une coloration sur la tête de la belle au bois dormant.

Un problème se posait cependant, c’est que le crime ne peut être parfait s’il n’accède pas à l’autre partie de sa tête. Prendre le risque de la réveiller ? Ou faire l’autre moitié le lendemain en espérant qu’elle ne décide pas de changer ? Puis, elle allait encore faire sa crise… oui, c’était un risque, ou elle allait pleurer, au choix. En tout cas, il avait opté pour une coloration éphémère histoire de ne pas se faire foudroyer sur place, bien qu’il lui aurait répondu quand même. Oui, quitte à courir pour échapper au gourou du piment, la perle cherchera à se défendre, même si ça n’a pas de logique particulière, vu qu’il sera à cent pour cent en tort. Il a mal au dos à force de s’appliquer, il râle intérieurement, se pince les lèvres et a le souffle court lorsqu’elle fait un mouvement ou respire un peu plus fortement. Son cœur bat la chamade, mais il a presque terminé. Le temps passe, c’est extrêmement long et il doit faire attention. Jamais il n’aura autant pris soin des cheveux d’une autre personne en allant jusqu’à rincer soigneusement à l’aide de serviettes, d’un seau et de gants pour être certain que son plan soit parfait. C’est avec des cernes digne d’un panda qu’il récupère ses affaires et sort discrètement, allant jeter nonchalamment le tout près des ordures et se trouvant un endroit assez douillé, mais isolé de tout par précaution. Il baille à s’en décrocher la mâchoire, se glisse entre le faux plafond et ce dernier, profitant que l’aération ait été nettoyée pour refermer sa planque et passer ses mains derrière sa tête, essayant de se reposer de sa nuit, riche en émotions.

Il l’avait entendu, cette porte s’ouvrir à la volée, mais rien, non, elle ne l’avait pas vu, comment est-ce qu’elle le pourrait de toute façon puisqu’il était si bien planqué ? Le blond se mit à sourire, fier et rassuré de ne pas avoir à subir le gourou d’une de ses adorables créatures qui hantaient ses nuits. Il n’y en avait que deux et c’était amplement suffisant quand on savait qu’un seul des deux pouvait suffire à ce qu’il se lève au beau milieu de son sommeil, son visage encore gonflé par le peu de repos qu’il gagne chaque soir en fermant les yeux puis se lève pour faire un constat des lieux, en apprendre de nouveaux, repérer les potentielles planques lors de coups durs. Il essayait d’éviter le plus souvent de trop y réfléchir, préférant largement foncer et y aller quand il le faut seulement. Mais il avait énormément de mal, se disant qu’un jour il allait imploser ou leur faire une scène. Jusque-là il se maîtrisait. Jusqu’à quand ? Son sourire laissa place à son éternel mine blasée tandis qu’il baillait à s’en rompre la mâchoire, observant la lumière s’allumer et s’éteindre. Il était peut-être temps de bouger, même si les menaces de la schtroumpfette ne l’y invitait guère…

Une fois certain qu’elle n’était plus dans les parages, le blond décala l’une des dalles pour descendre en sautant sur un meuble, remettant le tout en place pour s’étirer grandement et se coucher dans le noir complet. Mais il n’était pas trop d’humeur, se demandant quelle tête devait faire la brunette devenue bleue, souriant en se redressant une énième fois, intenable, ingérable ce soir. Il passa négligemment une main dans sa tignasse et se risqua à sortir le nez de sa caverne, le silence faisant écho à ses pensées. C’était bien trop calme, la tornade n’allait pas tarder à frapper, il en était certain. Cependant, contre toute attente, il l’attendrait, se tenant prêt à recevoir les foudres qu’il avait provoqué, mais devant lesquelles il était à la fois faible et immunisé contre les douleurs qu’elles pourraient occasionner. Telle était sa relation avec jolie Pepper.

Mains dans les poches, il observa cette porte fermée qui ne devait pas contenir le corps de la belle, elle devait le chercher partout. C’était pourtant si simple, aussi bien de lui échapper que de la duper. Le petit somnifère qu’il avait glissé dans son repas avait beaucoup aidé, il n’était pas peu fier. En revanche, quiconque s’en prendrait à elle, autre qu’Ice et lui-même se verraient rétrogradé au rang de serpillère, n’était-ce pas ironique ? Elle subissait le pire, mais était préservée de toutes autres tentatives à son égard. Le brun souffla, s’impatientant finalement en partant à la recherche de la demoiselle, cherchant à entendre les cris hystériques qu’elle pouvait pousser parfois, mais rien… il n’y avait pas un seul bruit et ça ne lui plaisait pas du tout.

Il s’était fait repérer, ce qui n’était pas étonnant en soit, mais assez dangereux pour sa vie même, ou ce qu’il en restait. Le blond se mis à courir après avoir longuement fixé la jeune femme, clignant des yeux plusieurs fois pour ensuite détaler. Les menaces, les insultes de la jeune femme n’y faisait rien, il était faignant, mais pas au point de s’arrêter ni d’abandonner. Ainsi, quand Pepper s’essoufflait, il marquait une pause, l’observant de loin pour constater qu’elle n’était qu’en serviette. Et à ses derniers mots, c’est lui qui piqua un phare, se dirigeant d’un pas assuré et nerveux vers elle pour la tirer par la main et rebrousser chemin jusqu’à s’enfermer avec elle dans la chambre de la bleue. « Alors déjà, depuis quand tu cours à moitié à poil dans les couloirs ? Tu veux mourir ? J’peux t’aider si tu veux, tu refais plus ça » il relava le nez une nouvelle fois, inspirant profondément avant de soupirer « Et puis c’est quoi cette façon de penser que vous avez toutes à la fin ? Tu t’es prise pour un boudin ? Mais regarde-toi un peu dans la glace, tu verras bien que non ! Les cheveux bleus ça te va bien en plus ! »

Il lâcha enfin son poignet, marchant dans la pièce en observant le coussin couvert de teinture puis haussa les épaules. « Si je t’avais demandé t’aurais pas accepté, puis j’aurais fait la deuxième partie, j’étais chaud, je pensais que t’allais perdre tes cheveux alors je me suis dit qu’une moitié c’était peut-être mieux. Mais au final, tout va bien, t’as toute ta tête, enfin… presque et puis la coloration est nickel ! »

Il secoua la tête, reposant ses yeux noirs sur le visage enfantin de la jeune femme. « Et quoi, me regarde pas comme ça, c’est ta faute aussi, rabat-joie ! » Il allait surement regretter d’avoir dit ça, mais c’était trop tard dorénavant pour reculer et mieux valait qu’il assume, ou qu’il fuit à nouveau. Pour l’instant, tout ce qu’il fit c’est lâcher un « tss » avant de retourner la chaise du bureau pour s’y asseoir, ses mains posées sur le dossier. « Bon, je fais la seconde partie du coup ? » dit-il avait un sourire amusé, croyant sérieusement qu’il valait mieux poursuivre que tout retirer. « T’as tout abimé en plus avec ta douche, mais ça donne un joli reflet au final, t’auras qu’à faire la même chose, mais bon, deux douches c’est chiant, ça va au fait, pas trop épuisé ? » Il parlait beaucoup, c’était fatigant, même pour lui et soudainement, il se tut, comme pour reprendre son tempérament après ce moment d’excitation relatif à leur course.

Bon, bouge pas du coup je récupère la teinture » il ne lui fallut pas plus d’une minute pour récolter son nécessaire, il était habitué à teindre ses propres cheveux, autant dire que le bleu avait été risqué mais qu’il s’y était pris comme un chef.

« Et t’es pas un boudin justement, si tu le dis encore, j’t’assure qu’il y aura pas que tes cheveux qui seront bleus et t’aimerais pas que je te dise quoi » Il pensait à son visage, à ses lèvres, peut-être à la colorer entièrement pour qu’elle ait vraiment l’air d’une schtroumpfette, mais il savait aussi que son esprit tordu et celui de Pepper pouvaient induire en erreur, si bien qu’il effaça très rapidement le sourire qui manquait d’apparaître.

Il s’appliqua à étaler la teinture, profitant des cheveux mouillés de la belle pour pouvoir s’y attarder, se rapprochant d’elle à l’aide d’une deuxième chaise qu’il avait récupéré de sa chambre. Il n’était pas vraiment délicat, profitant allègrement du fait qu’elle était bien réveillée cette fois, mais ce n’était pas non plus un drame puisqu’il savait y faire et qu’elle n’avait pas ouvert les yeux de toute la nuit. Il commençait à bailler un peu, se disant que « Après, j’irais piquer un somme, mais je fermerais ma porte à clé… parce que t’as pas intérêt à te venger de la même façon, je tiens à mon blond platine » Ce n’était pas vraiment coquet, c’était plus parce que ça lui allait et qu’il avait mis du temps à trouver quelque chose qui lui convenait assez. Pearl est sûr de lui, mais il ne se regarde pas souvent dans les miroirs, contrairement à ce que l’on pourrait penser. Son physique, il s’en fiche, il le néglige parfois, mais il porte une grande attention à celui des autres, ce qui est plutôt injuste. C’est comme ça, pas autrement.

C’était qu’elle prenait plaisir à le contrarier en plus de ça. Il la dévisage, se stoppe et penche la tête en clignant plusieurs, la détaillant sans la moindre expression. « Tu tiens vraiment à savoir ? Il vaudrait mieux que tu restes sage, crois-moi » sa patience avait des limites et bien qu’il soit en tort, il essayait de faire des efforts pour se faire pardonner. Aussi, il n’aimait pas quand elle se rabaissait de la sorte et encore moins avoir cette impression qu’elle aimait bien lui plaire. Il se faisait avoir.

Il avertit qu’il ne serait pas sa cible pour la même bêtise et elle répondit simplement qu’elle n’avait pas besoin de changer sa couleur, ce qu’il appuya en acquiesçant simplement, s’appliquant avant qu’un geste déplacé ne le surprenne. Il la fixe une nouvelle fois, termine son travail et essuie sa joue d’un revers de manche « Ne refais plus jamais ça… » le contact avait quelque chose qu’il n’aimait pas, d’angoissant, mais surtout de beaucoup trop maternel pour qu’il puisse apprécier, loin d’être dans ce plaisir coupable de jeux de rôles mettant en scène tout parent de façon… sexuelle, non, c’était vraiment peu ragoutant, et puisqu’il avait une attirance certaine pour la jeune femme, constater qu’elle usait de cela n’avait en soi rien d’adorable, de sexy ou de quoi que ce soit de plaisant. Il frissonna, serrant les dents, préférant initier les gestes lui-même plutôt que l’inverse, n’était-ce pas lui qui était en contrôle après tout ? Il avait beau la fuir, ce n’était qu’un jeu, sachant pertinemment qu’il dominait totalement, ou pas.

« Bref, voilà, j’ai fini, plus qu’à attendre et te rincer la tête comme tout à l’heure » il frotta ses mains, s’étira et bailla simplement avant de s’asseoir sur son lit. Faire une sieste ? Non, pas avec elle dans les parages. « J’attends de voir le résultat » dit-il, retrouvant son mutisme naturel.